La compréhension croissante de l’importance qu’a eue le journal intime de Daniel G. MacMartin, conservé aux Archives de l’Université Queen’s a mené à un nouveau chapitre dans l’histoire du Traité de la baie James. Le journal documente les réflexions et expériences du représentant du gouvernement provincial durant l’expédition menant à la signature du traité de 1905, y compris des passages importants qui documentent les promesses orales faites par les commissaires aux signataires autochtones.
« Henry Reuben affirme qu’il était assis là et qu’il les a vus [le groupe des commissaires du traité] écrire les choses importantes. Quelqu’un s’occupait d’écrire. Alors voilà ce qui est perdu. Peut-être refera-t-il surface un jour. Je crois en la Bible. La Bible dit que les choses énoncées dans les ténèbres seront également énoncées dans la lumière. C’est comme cela que je le comprends. …Cela sera dit un jour. » (traduction libre) -James (Jeemis) Wesley, aîné Omushkegowuk |
À l’instar de nombreux documents d’archives, le journal intime de MacMartin a eu un parcours compliqué. À la suite du décès de MacMartin en 1923, le journal est revenu à son fils, qui l’a offert au poète Wallace H. Robb dans les années 1950. Robb a fait don du journal à l’Université Queen’s en 1968. Pendant de nombreuses années, le journal a été mal étiqueté (possiblement par le donateur), ce qui obscurcit l’importance du document. Il fallut attendre les années 1990 avant que les chercheurs commencent à saisir toute son importance pour l’interprétation du Traité no 9.
Le journal de MacMartin contient des renseignements, écrits au crayon, concernant différents aspects du voyage de 1905, y compris le trajet, la météo et les points de vue sur le potentiel minier du territoire. Pourtant, ce sont ses passages sur les cérémonies de signature du traité qui pourraient revêtir la plus grande importance : une preuve documentaire que les commissaires ont promis aux signataires autochtones que leurs collectivités pouvaient chasser et pêcher comme elles l’avaient toujours fait. Il est à noter que le journal est muet quant à toute explication de ladite « clause de prise des terres ».
« Lorsqu’il leur a été expliqué qu’ils pouvaient chasser et pêcher comme ils l’ont toujours fait et qu’ils n’étaient pas restreints quant au territoire, la réserve constituant simplement un lieu de résidence pour eux où aucun homme blanc ne pouvait s’immiscer ou s’introduire, que la terre était à eux pour toujours, ils ont volontiers accepté la situation, et déclarèrent qu’ils régleraient la question de la réserve plus tard... » (traduction libre) Marten Falls, 25 juillet 1905 (emphase ajoutée) |
« (...) qu’une réserve serait mise de côté pour eux, attribuant à chaque famille de 5 personnes un mille carré, qu’ils n’étaient pas obligés de vivre sur cette terre tant qu’ils n’en auraient pas envie, qu’ils pourraient suivre leurs coutumes de chasse là où il leur plairait; cette superficie serait simplement mise de côté comme leur appartenant, sur laquelle aucun homme blanc ne pourrait s’immiscer ou s’introduire sans leur permission… » (traduction libre) -Moose Factory, 9 août 1905 (emphase ajoutée) |
« Ce matin, trois représentants des Indiens de la bande se sont réunis en conseil et se sont fait expliquer les conditions du Traité (...) une réserve ou un lopin de terre serait mis de côté et arpenté dans un avenir rapproché pour leur usage et avantage exclusifs et sur lequel ils ne seraient pas obligés d’habiter, et ils ont également été autorisés comme jadis à chasser et à pêcher là où bon leur semble (...) » (traduction libre) -New Post, 21 août 1905 (emphase ajoutée) |
Pourquoi MacMartin a-t-il rédigé ces passages dans son journal? Puisqu’il documente de plus en plus de détails sur les cérémonies à mesure que le voyage de 1905 progresse, certains universitaires croient que MacMartin était devenu sceptique à propos de la façon dont les commissaires expliquaient le traité aux signataires autochtones comparativement aux mots contenus dans le document écrit.
Des documents rédigés par d’autres membres de la délégation du traité contiennent également des passages similaires.
« Comme d’habitude, le point sur lequel les Indiens désiraient des renseignements complets concernait les conséquences que le traité aurait sur leurs droits de chasse et pêche. Une fois rassurés que ces droits ne leur seraient pas enlevés, ils exprimèrent une grande joie et leur volonté de signer le traité, ce qui fut fait par conséquent, et les signatures dûment certifiées. » (traduction libre) -New Post, 21 août 1905 (emphase ajoutée) |
Duncan Campbell Scott, « The Last of the Indian Treaties », Scribner’s Magazine (novembre 1906), page 578
Collection diverse
F 775
Archives publiques de l'Ontario,
F-775_MU2128_006
[Article également accessible en ligne]
« (...) on leur a assuré qu’on ne s’attendait pas à ce qu’ils renoncent à leurs territoires de chasse, qu’ils pourraient chasser et pêcher dans tout le pays comme ils l’avaient fait par le passé, mais qu’ils devaient être de bons sujets du Roi, leur grand père, dont ils étaient les messagers. » (traduction libre) -Duncan Campbell Scott décrivant la signature du traité à Fort Hope (emphase ajoutée) |
« L’Ontario (...) a fait l’acquisition de presque toutes ses terres à un prix, et a tout de même concédé aux Indiens tous les privilèges de chasse et de commerce qu’ils ont toujours possédés. » (traduction libre) |
Depuis les années 1990, la Cour suprême du Canada s’est prononcée dans l’affaire R. c. Marshall, l’affaire R. c. Morris et d’autres affaires et a jugé que les promesses orales faites au cours des négociations font partie du traité. Les signataires autochtones du Traité de la baie James Bay Treaty ont commencé à inclure le journal de MacMartin à titre de preuve fondamentale dans les actions en justice sur des questions liées au traité. À mesure que les recherches se poursuivent, de plus amples renseignements à propos des cérémonies, promesses et autres aspects du traité seront forcément découverts.
En quoi le journal de MacMartin change-t-il notre compréhension du Traité de la baie James? ![]() |